On n’écrit plus de lettre d’amour parce que personne ne sait les lire.
On n’écrit plus de lettre d’amour, mais des lettres de détresse.
On n’écrit plus de lettre d’amour car on ne s’aime plus, on se possède, puis on se déchire, et on essaye de recoller et recoudre.
On n’écrit plus de lettre d’amour car on n’aime plus, on détient, on confine.
On n’écrit plus de lettres d’amour car on ne sait plus aimer sans promettre, sans contraindre, sans mendier.
On n’écrit plus de lettre d’amour parce que personne ne sait plus être libre, et que l’on a confiné l’amour dans les couples.
Écrire une lettre d’amour comme on livre un colis, comme on offre un abri les jours de pluie, comme on offre une fleur, comme un chat ramène une souris, comme un enfant fait un dessin. Un dessin qui dépasserait de la feuille, car il n’y a pas ni limite ni règle. Un dessin parce qu’il faut créer, sans but ni contrainte, exactement comme il faudrait aimer.
Écrire une lettre d’air, une lettre à l’univers dont le lecteur est une incarnation particulière, qui résonne avec notre incarnation.
Écrire une lettre de feu, qui ne brûle pas mais réchauffe.
Écrire une lettre d’eau qui ne noie ni ne submerge, mais porte et purifie.
Écrire une lettre parce qu’on croit dans l’inconditionnalité, dans la rencontre dont naît un lien qui survit a toutes les histoires de cœur, à tous les deuils, à toutes les ruptures, à tous les kilomètres de séparation.
Écrire une lettre de liberté car il n’y a pas d’amour sans liberté.
Curieux Hasard / Stephan Schillinger© / Extrait du Livre “Par un Curieux Hasard – Tome I”